La famille de Billième n’est pas éponyme de notre village. Les noms des familles nobles se constituaient souvent en prenant le nom d’un lieu ou d’une paroisse, et non l’inverse.
La particule « de » est une préposition marquant l’origine géographique de la famille ; si elle peut éventuellement indiquer une possession de terres ou de suzeraineté. Elle n’indique pas le statut de noble, ni ne l’implique. De nombreuses familles nobles de Savoie n’avaient pas de particules, ni toujours d’armoiries.
L’origine du nom Billième a plusieurs hypothèses :
D’après le chanoine Gras, dans son « Dictionnaire des noms de lieux de la Savoie », cette dénomination serait issue d’un nom de personne, un certain Billiemaz.
Le chanoine Secret a une autre hypothèse étymologique : le nom de Billième serait d’origine gauloise, et il serait constitué à partir du nom de la déesse gauloise Belisama, ce qui signifie en langue celte « la très puissante ».
D’autres villes et villages possèdent un nom ayant la même origine dans la mythologie et le panthéon celtique, comme bellème dans l’Orme, Belime dans le Puy de Dôme, Blima dans le Tarn ou Belisama en Angleterre. La déesse Belisama et le dieu Lug, (cf Lugdunum, littéralement la colline de Lug qui est devenu Lyon) constituait comme Zeus et Athéna dans la mythologie grecque, le symbole de la puissance et de la sagesse dans l’Olympe des divinités gauloises.
L’hypothèse du chanoine Secret nous semble plus étayée que celle du chanoine Gras de par son étymologie et la date de formation du nom : les toponymes d’origine gauloise ne sont en effet pas rares à Billième et antérieurs aux toponymes d’origine latine, bien que parfois latinisés ou francisés au fil du temps.
Billième a changé plusieurs fois de seigneurs au cours de son histoire ; des familles nobles s’y sont succédé, certaines se sont éteintes, d’autres ont été dépossédées de leurs titres et de leurs biens par le fait du duc de Savoie.
Nous allons rappeler ces illustres lignée des de Billième, de Mareste, de la Forest, de Bavoz, de Mareschal-Luciane et d’autres dans les chapitres suivants.
Mais avant d ‘évoquer ces nobles familles, nous rappelons quelques règles de base de l’héraldique, de l’armoirie et des blasons.
L'héraldique (généralités)
L'héraldique est la science des armoiries (étude des signes identificatifs attribués à une personne).
Le blason est la grammaire de l'héraldique.
Les armoiries apparaissent au 12ème siècle, à l'époque des Chevaliers de la Table ronde et de la légende arthurienne ; elles ont une origine féodale, (milieu du 12ème siècle, Chrétien de Troyes).
Les armoiries sont nées du fait d'une nécessité militaire et guerrière : le chevalier combattant méconnaissable sous son casque et son haubert doit se distinguer extérieurement pour permettre son identification rapide et la distinction de son camp (ami-ennemi) lors des combats.
Une cause plus générale est aussi à l'origine de la naissance des armoiries : la société occidentale féodale se réorganise, l'armoirie est un de ses signes distinctifs nouveaux.
La fixation stable des noms de famille (11ème-12ème siècles) est contemporaine de la naissance des armoiries.
Les armoiries sont individuelles et liées à une personne, puis elles deviennent familiales et héréditaires.
Ce système de signes est né hors de l'église.
Au 13ème siècle, l'Eglise commence à s'intéresser à l'armoirie.
Un quart des armoiries sont ecclésiastiques, (15ème siècle).
Les armoiries ne sont pas réservées aux nobles, ni un signe de noblesse. Elles concernent les femmes au 12ème siècle, les clercs et les paysans au 13ème siècle et les villes aux 13ème et 14ème siècles.
Le statut de noble s’acquiert en Savoie par lettre patente délivrée par le comte puis par le duc de Savoie, ou par reconnaissance de fait(s) ou d’action(s) exceptionnel(s) et avalisé ensuite par le souverain savoyard. Ce statut de nobles est révocable en cas de faute ou de manquement grave envers le comte puis le duc de Savoie (ce qui a été le cas de la famille « de Billième »).
Les papes ont été parmi les derniers à se doter d’armoiries (Nicolas en 1280, Boniface VIII. Jean XXII ajoute la tiare pontificale, puis deux clés en écu au 14ème siècle).
Les éléments du blason
Les couleurs
Le nombre de couleurs est limité à six ; leurs dénominations suivent un code propre à l’héraldique :
rouge : gueules
bleu : azur
noir : sable
vert : sinople
jaune : or
orange : orangé
Les couleurs sont absolues, sans nuances.
Des deux métaux, l'argent (blanc) est supérieur à l'or (jaune).
Le bleu, d'abord discret, a été valorisé par le roi de France (le blason royal est formé de lys blancs sur fond bleu).
Deux fourrures sont représentées : l'hermine (noir sur blanc) et le vair (bleu et blanc).
La couleur verte est la moins fréquente en héraldique. Elle est le symbole de la joie, de la hardiesse, de la jeunesse ; la couleur verte symbolisée par l’émeraude, est techniquement difficile à obtenir, cela explique aussi sa relative rareté.
Les figures
Le répertoire des figures s'est ouvert au fil du temps. (La ville d’Orly, par exemple, s'est enrichie d'un avion stylisé au 20ème siècle).
Un tiers des blasons sont blancs, un tiers représentent des animaux, un tiers des végétaux, ou animaux, ou des parties du corps humain.
Au 12ème siècle, dans le bestiaire héraldique, l'ours est remplacé par le lion qui devient le roi symbolique des animaux, dans l’imaginaire médiéval.
Sanglier, loup, cerf, lion, aigles et coqs sont omniprésents.
Le cheval et le faucon sont peu représentés aux 12ème et 13ème siècles.
Le mois de mai est le plus représenté dans les paysages illustrés de l’héraldique : il symbolise le renouveau, la vitalité et la continuité de la vie.
L'art héraldique
L'héraldique a créé son propre style.
Les armoiries sont nées sur les champs de bataille, elles devaient donc être visibles de loin, stylisées, pour répondre à la nécessité de se reconnaître à distance et rapidement.
Le style héraldique exerce toujours son influence aux XXème et XXIème siècles : les drapeaux ou les panneaux de signalisation en gardent le code et les six couleurs dans le monde entier ; cet art codé, précis, d’utilisation souple, facile et rapide à interpréter, né en Europe occidentale s’est répandu du fait de son caractère pratique, simple et efficace.
Les armoiries se compliquent au fil du temps : d’un simple dessin géométrique (blason) peint sur le bouclier, les armoiries ont agrandi leur espace (casque, cimier, écu) et leur signification s'est peu à peu personnalisée (adjonction d’une devise, marques des origines avec la figuration des quartiers de noblesse).
La symbolique héraldique
Le symbole est à l'œuvre dans tous les domaines de l’hiéraldique.
Les figures et les couleurs ont la même symbolique que dans le monde réel profane.
Les armoiries subissent les effets et transformations du temps et de l'espace (variantes selon les régions).
Les armoiries s’enrichissent des sciences et des cultures locales.
L'héraldiste a besoin du phylologue, du linguiste et de l'historien de l'imaginaire.
Les armoiries littéraires et imaginaires sont plus faciles à étudier et à interpréter.
Les armoiries sont d'origine profane et laïque, puis adoptées par l'Eglise.
Mais à la fin du 13ème siècle, apparaissent les armoiries religieuses (Dieu, Christ).
Les armoires relèvent aussi du paraître : identité et personnalité (milieu aristocratique, exemple: la cour de Bourgogne)
Blason et parenté
Les armoiries illustrent le système familial, la parenté étroite ou élargie (France et Italie).
En France, en Angleterre, et en Ecosse, les armoiries entières, sans brisures, sont réservées à l'aîné.
Sur le blason des familles nobles, un quart de l’écu porté par l’aîné d’une famille noble est réservé à la figuration des armoiries de ses ascendants : ce sont les quartiers de noblesse, dont le nombre augmente avec les générations nobles successives, si les unions ont lieu entre nobles.
Exemple : la reine d’Angleterre Victoria 1ère (1819-1901) avait 144 quartiers de noblesse dans son blason.
Concurrence des blasons et armoiries
Les armoiries et le blason résistent au fil des siècles à l’arrivée de nouveaux concurrents, que ce soit dans le domaine de l’image, du relief ou du signe personnalisé écrit.
Apparaissent successivement :
les portraits : 14ème siècle
les signatures : 14ème siècle
les médailles : 15ème siècle (Pisanello : 1430)
L'héraldique s'associe à l'emblématique (médailles).
L’héraldique (blason et armoirie), résiste à ses nouveaux rivaux en les intégrant, et demeure au cours du temps un signe distinctif particulier.
L’héraldique résistera aussi au 19ème siècle à l’apparition de la photographie.
Cette étonnante survivance de l’héraldique sur une période aussi longue ne s’explique pas scientifiquement, mais son particularisme relève sans doute d’un autre domaine. Le grand héraldiste Michel Pastoureau parle de : « l’inéffable dimension mélancolique de l’hérialdique médiévale ».
Quelques références bibliographiques
Pastoureau (Michel) : Traité d'héraldique, Picard, Paris, 2009.
De Foras Armorial de la Savoie, 1938
Armoriaux de la Savoie, de la Bresse, du Bugey, Faucigny et Chablais
Remarque :
Les traités armoriaux sont incomplets, car les recherches généalogiques sont toujours très longues, difficiles. Les archives ne sont pas toujours accessibles et parfois absentes ou détruites.
Donc notre présentation n’est pas exhaustive, le travail de recherche continue.
Armorial de Billième
L’armorial de Billième commencera par les familles les plus anciennes, en fonction des recherches et de l’existence de documents généalogiques.
La création des armoiries, du blason suivent les règles strictes de l’héraldique que nous avons rappelé brièvement avant de présenter les blasons des familles de Billième et des nobles possédant des propriétés à Billième.
Les recherches généalogiques et historiques du conte de Foras et du conte de Mareschal-Luciane, de Billième, dans les archives de la commune de Lucey et dans les archives privées de Saumont et Thuiset n’ont pas permis de reconstituer les armoiries des « de Billième », mais l’histoire de cette famille illustre de nôtre village éclaire ses alliances avec de grandes familles nobles et son rôle dans la formation du duché de Savoie.
Dans le 13ème siècle les de Billième sont alliés par mariages aux de Marestede la seigneurie de Lucey, à la grande lignée des de Seyssel, présente dans presque toute la Savoie, aux de la Forest, de la seigneurie de Chevelu, aux de Bavoz, de Mouxy et à d’autres familles nobles de Savoie.
La famille de Billième a eu un rôle important dans la construction et la formation du jeune Etat savoyard. Nicolas de Billième, aux côtés de son suzerain, le duc de Savoie, a arbitré, en 1285, en faveur de Louis de Savoie pour l’attribution du pays de Vaud, (l’actuel canton de Vaud en Suisse) et l’apanage du château de « Pierrechâtel », qui jouera un rôle important dans l’histoire de la Savoie.
Cette négociation se conclura positivement pour Louis de Savoie (frère du duc), le pays de Vaud fera partie de la jeune Savoie.
Isabelle de Billième, fille de Nicolas, épouse en 1348 Aynard de Seyssel.
Louis de Savoie, devenu baron de Vaud, cautionne sa dot, annuelle, en remerciements des services rendus par son père, pour la somme importante de 25 livres-or de Savoie.
Hugues de Billième jure fidélité au duc Amédée VIII vers 1430 et lui rend hommage. Le même Hugues « trahit son serment et la cause du duc » quelques vingt ans plus tard. Le duc de Savoie, par lettres patentes du 7 septembre 1454 lui confisqua tous ses biens et il fut déchu de sa noblesse, ainsi que ses descendants. La seigneurie de Billième fut attribuée à Hugues de la Forest, de la seigneurie de Chevelu, en récompense des pertes engendrées par son service auprès du duc.
Billième changeait de seigneur et la famille originelle des de Billième s’exilait alors en terre étrangère, dans le royaume de France, à Saint Georges d’Espéranche, en Dauphiné.
Au 16ème siècle des « personnages appelés de Billième » sont encore observés à Yenne, note le comte de Foras, mais « ils ne sont jamais qualifiés de nobles » ...
Naissance, apogée, et déchéance d’une grande famille noble : la féodalité était sans pitié pour celui ou celle qui trahissait son serment et ses engagements, car ils menaçaient alors l’existence même de la Savoie en formation et en devenir.
Les informations graphiques suivantes représentent :
- le texte d’archives des de Billième
- le blason de la famille de la Forest